Comme toujours lors de la CAN, la maladie de l’absentéisme des spectateurs se constate en Egypte. Parce que le public se polarise sur les duels nationaux, plutôt que sur la performance sportive.
Faites le foot, pas la guerre ! Vous vous souvenez peut-être du slogan qui était celui du mouvement hippie à la fin des années soixante, début des années soixante-dix. Il m’est immédiatement venu à l’esprit en observant l’étrange ballet de spectateurs, dans les stades de la Coupe d’Afrique des nations, uniformément vêtus de survêtements, jaunes, verts, rouges ou bleus. Il faut dire que ce ne sont pas des spectateurs comme les autres. Ce sont des militaires réquisitionnés par milliers pour venir faire la claque dans les tribunes. Sitôt les matches terminés, ils regagnent leurs casernes à bord de camions habitués à des transports de troupes parfois moins pacifiques. Ils sont là pour la télé, pour faire masse, pour démontrer que les spectateurs sont venus nombreux, que l’Egypte a totalement adhéré au grand rendez-vous du ballon rond. Il n’y a rien de pire que des stades vides. Et sans les soldats supporteurs, ils le seraient tout ou partie.
N’allez pas croire qu’il s’agisse d’une maladie spécifiquement égyptienne. Non, tous les deux ans, c’est un peu la même chose. Cet absentéisme dans un continent qui passe pour être, par excellence, celui du football, peut paraître incompréhensible. Il ne l’est pas. D’abord en raison de l’étendue de l’Afrique, des difficultés à s’y déplacer, du coût des voyages et du niveau de vie. Il n’existe pas de grands mouvements de masse pour assister à l’événement majeur, et pas seulement sportif, du continent. L’Africain adore le football. Mais d’abord le sien. Son équipe nationale, ses clubs. Ou les clubs européens, français, anglais de plus en plus, un peu espagnols, un peu italiens. Le football du voisin, connais pas. Première explication. Elle n’est pas la seule.
En vérité, le football est prioritairement le domaine où s’expriment tout à la fois le nationalisme et le chauvinisme les plus paroxystiques. Le terrain est l’endroit où l’on doit exprimer sa supériorité sur le voisin. Une équipe qui gagne se transforme rapidement en victoire d’un peuple sur un autre. Sentiment de grande fierté nationale ! Et l’on se lance des défis : Cameroun-Côte d’Ivoire, par exemple, ou encore Egypte - Maroc, Ghana-Nigeria. Des duels forts qui sont l’affaire de deux pays, mais très rarement de tout le continent. Voilà pourquoi les spectateurs ne viennent pas dans les stades, même lorsque ce sont les meilleures équipes du continent qui viennent jouer chez eux, comme c’est le cas actuellement en Egypte. Mais s’il y avait un match Chelsea-Arsenal, le stade serait plein à craquer. La compétition, c’est l’ouverture sur le monde. Dans l’Afrique du football, le monde commence hors des frontières de l’Afrique.