Robert Nouzaret, jovial entraîneur de la Guinée, raconte ses histoires africaines de joueurs indisciplinés, de sorciers, de primes de matches, de motards et de l'organisation de la Coupe d'Afrique (CAN-2008), cafouilleuse à déconcerter même un Blanc boucané comme lui.
Avant un quart de finale, dimanche à Sekondi, contre la Côte d'Ivoire, son ancienne équipe (1996-98, puis 2002-04), il effeuille en riant quelques anecdotes de la vie du Syli national (syli: éléphant), le onze guinéen.
Robert et ses joueurs:
"C'est des bavards, ils sont trop dissipés. Tous les jours, du matin au soir, il faut les rappeler à l'ordre, pour le respect des consignes. Ils n'ont plus du tout la même attitude que dans leurs clubs en Europe. Heureusement, j'ai un staff de Blancs!"
L'ambiance est donc orageuse? "Si tu lâches, t'es mort. Je les adore, ils m'adorent, mais je suis en situation conflictuelle permanente. Ce matin, certains ne voulaient pas venir au décrassage, mais ils sont venus. 'Le Maton', Mohamed Camara, est allé cogner à leur porte. Et crois-moi qu'il cogne fort et qu'ils descendent!"
Ne risque-t-il pas d'éteindre leur folie, leur créativité? "Oh, je ne me fais pas de souci, je n'arriverai pas à l'éteindre! Ils chantent, ils dansent dans les vestiaires, à table..."
"En Andalousie, où on était en stage, il y avait le Bayern (Munich) et (le Borussia) Dortmund... Quel régal quand tu vois les Allemands obéir au doigt et à l'oeil au coach! Et ils avaient sept préparateurs physiques..."
Robert et l'organisation de la CAN:
"La seule chose qui marche, c'est les motards... Ah ça, ils font bien leur boulot. Ils nous ouvrent la route en jouant avec leur sirène (et en faisant des acrobaties: debout, assis, debout, jambe écartée..., ndlr). Sinon, c'est le bordel! On a passé une journée dans un hôtel sans eau, ils voulaient qu'on parte à 7h le matin du match (contre la Namibie à Sekondi), on a passé les trois premiers jours sans terrain d'entraînement... Tu te demandes à quoi ils pensent... Les organisateurs ont été servis avant les joueurs, ça m'horripile. C'est l'Afrique".
Robert et les sorciers:
"Ils m'ont contaminé! Je finis par y croire! Non, avec eux je n'en parle pas, il faut laisser faire. Je respecte ça. De toute façon, toutes les équipes en ont un, c'est un match entre eux. S'ils suffisait de ça, pourquoi une équipe africaine n'est pas championne du monde?"
Robert et les stages 'au pays':
"J'ai fait une fois une préparation à Conakry, une seule fois. Les joueurs sont trop sollicités, par tout le monde, on ne peut pas travailler. On vient les voir: 'l'argent, l'argent'. Et comme ils sont pas bégueules, ils donnent. On a fait aussi un stage à Abidjan, mais là-bas il y a plein de Guinéens!"
Robert et le ministre:
Le ministre guinéen des Sports, Aribot Baidy, est venu en personne de Conakry remettre les primes de qualifications aux joueurs, qui les accueillent en hurlant, selon le coach, comme "le loup des dessin-animés (de Tex Avery)". Quand on lui demande comment battre la Côte d'Ivoire, il montre Nouzaret: "l'arme principale, elle est là".
"Vous avez compris, demande Nouzaret? Si on ne gagne pas, je suis viré!"