Les salles de classe de Bangui, systématiquement désertées les après-midi de matches depuis le début de la Coupe d'Afrique des nations 2004 de football, allaient sans doute retrouver samedi élèves et professeurs, faute d'équipe subsaharienne en finale.
Le coup d'envoi du tournoi le 24 janvier a provoqué le début de l'absentéisme et les mesures punitives prises par les responsables d'établissement, travaux manuels, châtiments corporels ("chicotte"), etc., n'y ont rien fait.
"Nous avons constaté des absences dans chacune des six classes, au début du tournoi. Le directeur a donc fait le tour de toutes les classes pour relever les noms des absents, afin qu'ils soient punis", raconte une enseignante à l'école Lakouanga.
"A l'école Sica les absents ont été sévèrement punis par le directeur lui-même", précise un autre enseignant. "Chacun a reçu des coups bien appliqués", explique-t-il.
La chicotte, traditionnellement administrée au moyen de tuyaux d'arrosage ou de lanières découpées dans des pneus, a toujours cours dans les établissements centrafricains, mais a visiblement un effet limité face au football.
Les classes des établissements publics de Bangui, habituellement surchargées (de 50 à 100 élèves), rassemblaient à grand peine la moitié de leurs effectifs les après-midi de matches.
"Juste à côté de nous, il y a une salle de projection de films vidéo, qui propose la retransmission des matches aux enfants contre 25 ou 50 francs CFA (entre 4 et 8 centimes d'euro)", déplore Adolphe, un enseignant.
"Tu vas manquer le dernier numéro d'Okocha"
"Dans certaines habitations, les téléviseurs sont à la disposition de tous ceux qui veulent regarder la CAN. Comment voulez-vous que les enfants ne fuient pas l'école ?", s'interroge-t-il.
Devant la baisse inexorable des effectifs, les enseignants ont fini par emboîter le pas aux élèves, allant jusqu'à prendre l'initiative d'arrêter les cours et de faire partir les enfants présents.
Mercredi, les classes se sont même vidées de manière prématurée après l'annonce erronée d'un présentateur d'un journal radio selon laquelle la demi-finale Nigeria-Tunisie, prévue à 16h00 se jouait finalement à 14h00.
"Le directeur s'est arrêté devant ma classe et m'a soufflé que le match Tunisie-Nigeria se jouait déjà", explique Adèle, une enseignante. "+Continue et tu manqueras le dernier numéro de Jay-Jay Okocha (capitaine de l'équipe nigériane de football)+, m'a-t-il dit; j'ai salué les enfants et suis partie aussitôt".
"Au lycée des Martyrs, confie Amandine, une élève studieuse, ce sont les garçons qui sèchent le plus les cours pour la CAN. Certains se disent Camerounais, ou Sénégalais, d'autres encore se croient Maliens ou Nigérians".
"Mais il y a aussi les filles +N'gbati+ ("rebelles", "garçons manqués", ndlr), qui suivent les garçons", souligne-t-elle.
"Maintenant qu'il n'y a plus de Camerounais, de Sénégalais, de Maliens ni de Nigérians, on verra ce qui va se passer, mes cahiers ne bougent pas", dit-elle en riant, faisant comprendre que les fans de football ne devront pas compter sur elle pour rattraper les cours manqués.